La vie en pschitt majeur


Concentration

Il la regarde de l’autre côté de la table et doit se recaler brusquement dans sa chaise pour ne pas se précipiter vers elle. Il l’écoute et doit se mordre la langue pour ne pas la bombarder de mots sincères et fermes. Il regarde les autres, soudainement fiévreux que quelqu’un  n’ait vu, saisi, capté les traces de cette impossible alliance…. Il ferme les yeux pour retrouver encore ces moments privilégiés, l’ébauche d’une histoire  mêlant l’interdit et l’intime.  Il fixe sa feuille pour s’échapper des flots de paroles qui l’empêchent de se concentrer sur elle, sur ce qu’ils ont partagé, sur ces instants de découverte, de confidence, de tendresse, de… Oublier. Vite. Il reprend  le contrôle. Elle n’est plus sa vertigineuse histoire, il en a décidé ainsi. Aurait-elle fait le chemin vers lui ? Il ne le saura jamais, il n’a pas eu la patience. Elle n’était pas prête. Aujourd’hui Tom se demande comment faire survivre cette rencontre autrement et il désespère.

De toutes les façons, Tom  est toujours désespéré ces temps-ci.  Il  va aller boire un café chez Lulu.


Après la pluie…

Tom, il en crève d’essayer de vivre en conformité avec ce qu’il est.  Du coup, il a parfois l’âme dans les étoiles et le cœur au bord des larmes. Souvent les autres ne comprennent pas, le poussent dans ses retranchements, dans ses doutes, dans ses peurs. Et il s’y perd à nouveau.  Alors Lulu  le fait assoir sur la grande chaise bancale devant la fenêtre. Elle lui demande de compter  doucement et à haute voix,  en couleurs. Rouge. Orange. Jaune. Vert. Bleu. Indigo. Violet. Et quand il se mélange les pinceaux à force de peindre  en mots, elle éclate d’un rire flatteur et lui susurre Tu vois l’artiste, c’est un arc en ciel que tu as dans la tête…

Et puis elle tourne les talons en lâchant son sempiternel pas d’arc en ciel sans pluie, c’est la vie !